Quand on évoque la Première Guerre mondiale, on songe immédiatement au nombre effroyable de morts parmi les rangs des militaires français. 1 400 000 soldats français sont en effet décédés au cours de la Grande Guerre.
Ce que l’on sait moins en revanche, c’est qu'il y a eu plus d'un million de chevaux de l’armée française qui sont morts durant ce conflit soit 40% des forces engagées.
Destin humain et destin animal ont donc été étroitement liés, ils ont connu les mêmes souffrances et ont vécu la même barbarie.
Ils ont donc le droit à la même reconnaissance.
The British army on the western front, 1914-1918. Q 9019. Imperial War Museum.
Introduction
Introduction
D’ailleurs, comme pour leur rendre hommage, l’écrivain Erich Maria Remarque écrivait en 1929 dans son roman pacifiste À l’ouest rien de nouveau:
Je n'ai encore jamais entendu crier des chevaux et je puis à peine le croire. C'est toute la détresse du monde. C'est la créature martyrisée, c'est une douleur sauvage et terrible qui gémit ainsi.
On découvre dans ce livre la Première Guerre mondiale vue par un jeune soldat allemand, engagé volontairement, sur le front ouest.
Pour aller plus loin
BERGER Edward, À l'Ouest rien de nouveau, 2022, Netflix.
Le film Cheval de guerreréalisé par Steven Spielberg, et adapté du roman du même nom écrit par Michael Morpurgo en 1982, rend lui aussi hommage aux huit millions de chevaux morts pendant la Première Guerre mondiale.
On y suit les aventures de Joey, cheval utilisé à la ferme puis réquisitionné sur le champs de bataille et les aventures de son compagnon Albert, fils de fermier mobilisé pour les combats.
Pour aller plus loin
SPIELBERG Steven, Cheval de Guerre, 2011, DreamWorks Pictures.
Mobilisation générale. Le départ des troupes en août 1914. En route pour la gare de l'Est. Manuscrit 2549 (7) C, page 004. Bibliothèques d'Amiens métropole.
L'engagement des chevaux
La mobilisation
Armée de Terre et Armée de Mer. Ordre de mobilisation générale ... Dimanche 2 août 1914. Affiche. AR_0002. Bibliothèque municipale de Senlis.
Le 2 août 1914, c'est l'ordre de mobilisation générale. Près de 3 780 000 hommes vont donc rejoindre l'armée française.
Ces chevaux, qui n’étaient que 156 000 au début du conflit, vont voir leur nombre constamment grossir tout au long de la guerre pour dépasser le million.
Saint-Omer (environs) - Meunerie à Saint-Martin-au-Laërt. Carte postale. Bibliothèque de l'Agglomération du Pays de Saint-Omer.
5-8-14, la mobilisation, les chevaux allant à la réquisition : [photographie de presse]/ [Agence Rol]. BnF
Chaque propriétaire est dédommagé par le ministère de la Guerre contre une somme fixe. Mais un cheval de ferme n’est pas par définition un cheval de guerre.
L'engagement des chevaux
La mobilisation
5-8-14, la mobilisation, les chevaux allant à la réquisition : [photographie de presse] / [Agence Rol]. Bibliothèque nationale de France (BnF).
L'engagement des chevaux
La réquisition
Réquisitions - Gardez mon homme à la guerre tant que vous voudrez, mais laissez-moi au moins ma jument !!!. 15 FI 5252. Archives municipales et bibliothèque patrimoniale d'Abbeville.
Commune de Belloy-sur-Somme., [Belloy-sur-Somme à l'heure britannique... ?! (1915-1916)]. Réquisitions d'hommes et de chevaux. Archives de la communauté de communes Nièvre et Somme.
L'engagement des chevaux
La réquisition
The Purchase of Horses in America - 1. ART 2611. Imperial War Museum.
À la suite des premières batailles et suite aux pertes importantes, la France doit réquisitionner de nouveaux chevaux. C'est vers l'Amérique du Nord et du Sud qu'elle va se tourner en achetant en masse de nouvelles bêtes. Des vétérinaires sont envoyés pour contrôler et trier les animaux.
The Purchase of Horses in America. ART 2612. Imperial War Museum.
L'engagement des chevaux
La réquisition
Photograph, [Cheval réfractaire à l'embarquement]. Q 33569. Imperial War Museum.
Detraining Horses. ART 4934. imperial War Museum.
L'engagement des chevaux
La réquisition
Pour bon nombre d'entre eux, le stress du voyage en bateau sera terrible et c'est très amaigris qu'ils arrivent au front.
''A Prisoner of War'": animals abandoned by the enemy were handed over to the Veterinary Service. ImperIal War Museum.
La découverte du monde des tranchées est un choc violent pour le cheval : arraché à son maître, privé de tous ses repères, il est plongé dans la boue et le bruit, lui qui connaissait l’étable de la ferme ou l’herbe verte de la prairie.
The battle of the Somme, July-November 1916. Q 1619. Imperial War Museum.
La mission des chevaux
La mission des chevaux
Sur le front
Convois de ravitaillement à Compiègne : [photographie de presse] / [Agence Rol]. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EST EI-13 (397).
Le cheval a une double fonction dès son arrivée au front :
Soit il est affecté dans les régiments de cavalerie et il sert de monture ;
Soit il est affecté aux régiments d’artillerie et il sert à transporter l’armement (munitions ou bien canons) et le ravitaillement.
[Roland Dorgelès à cheval]. Ms 2549 (3) C page 010. Bibliothèques d'Amiens métropole.
La mission des chevaux
Sur le front
Agence Rol. Agence photographique. Ravitaillement en munitions dans les Vosges [Chasseurs alpins tenant des mulets chargés de caisses de munitions]. [Rol, 45255]. BnF.
Assez rapidement, comme la charge de cavalerie se révèle être inutile, c’est dans ce second rôle qu’il va être exclusivement cantonné et qu’il va avoir une importance tactique fondamentale.
Un cheval ne fait pas le poids face à une mitrailleuse mais il se révèle nettement supérieur face à un véhicule motorisé pour tous les déplacements. En effet, une fois les lignes de front stabilisées, le relief du terrain des opérations militaires est profondément changé en raison des bombardements.
Une bande terre noire sillonnée et bossuée » comme le décrit Henri Barbusse en 1916 dans le Feu, Journal d’une escouade.
La mission des chevaux
Sur le front
Corvéable à merci, le cheval est donc rapidement utilisé essentiellement pour tracter les pièces d’artillerie.
Guerre 1914-1915 - Artillerie russe traversant une rivière. Russian Artillery going through a river. CP00724. Archives municipales et bibliothèque patrimoniale d'Abbeville.
Crété, M., “N° 5 R. H. A. [Manoeuvre militaire au clair de lune]". 1Fi 222. Bibliothèque de l’Agglomération du Pays de Saint-Omer.
À la fin de la grande guerre c’est 70 % de l’artillerie qui est encore hippomobile. Preuve s’il en était besoin, de la supériorité de l’animal sur la machine.
La mission des chevaux
À l'arrière
À l'arrière les chevaux ont aussi leur place et leur rôle à jouer dans cette guerre.
Réquisition de paille à Amiens : [photographie de presse] / [Agence Rol]. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EST EI-13 (387).
Il sont ainsi utilisés pour le transport agricole ou encore pour le transport des blessés revenant du front.
“Ambulance anglaise à Amiens : [photographie de presse] / [Agence Rol]”. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EST EI-13 (386).
Le sacrifice des chevaux
Le sacrifice des chevaux
Un animal surmené
Au début du conflit, l'état-major français va commettre deux erreurs de jugement, en pensant que la guerre serait courte et que le cheval, étant un animal robuste et fort, serait suffisamment résistant et endurant ... le cheval n’est pas une machine, et, surmené il s’effondre et ne se relève pas.
Put Out of Its Misery : a veterinary officer destroying by means of a humane cattle-killer a horse too severely … ART 2609. Imperial War Museum.
Chevaux morts étendus dans une rue de Soissons : [photographie de presse] / [Agence Rol]. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EST EI-13 (394).
Le sacrifice des chevaux
La faim
Canvas Tents used for the Accommodation of Sick Horses in Veterinary Hospitals. ART 2486. Imperial War Museum.
Mal nourri, lui qui à la ferme connaissait le foin, a le plus grand mal à s’habituer à manger de l’avoine : il maigrit.
La pénurie d’avoine est d’ailleurs telle, qu'en mai 1917, l'armée est obligée de se séparer de 100 000 chevaux car elle n'arrive plus à les nourrir.
Le sacrifice des chevaux
La maladie
Noble, John Edwin (1876-1941), “[Les effets du sarcopte de la gale sur un cheval]. ART 4936. Imperial War Museum.
Affaibli, exténué, stressé par les mauvaises conditions de vie, les chevaux doivent faire face à la maladie : la gale. Traumatisés par le bruit des canons, certains resteront même sourds. Le froid, la saleté, les blessures par obus ou par balles n’arrangent rien et expliquent que 40 % des chevaux blessés meurent.
Noble, John Edwin (1876-1941), “[Sarcopte de la gale (acarien)]”. ART 4950. Impérial War Museum.
Le sacrifice des chevaux
Les hôpitaux vétérinaires
L'état -major se rend finalement compte que, puisque la guerre dure, il faut préserver, soigner et entretenir ses chevaux de la même manière que l’on prend soin de ses soldats. Mais en dépit des soins prodigués, il a été établi que 80% des chevaux utilisés pendant la Première Guerre mondiale ont péri.
Tardivement, vont donc se mettre en place, à l’arrière du front, des hôpitaux pour chevaux. Mais quand les Anglais peuvent compter sur le soutien de 18 000 vétérinaires au début du conflit, les Français, eux, n’en disposent que de 3 200.
Martin, Antoine-Marius (1869-1955) , Officier vétérinaire de la RAVC soignant un cheval blessé. LEG MARTIN 37. Archives municipales et bibliothèque patrimoniale d'Abbeville.
Le sacrifice des chevaux
Les hôpitaux vétérinaires
[Soldats faisant un bandage à une mule blessée à l'hôpital vétérinaire n°23 de Saint-Omer]. Avril 1918. Q 10907. Imperial War Museum.
Le sacrifice des chevaux
Les hôpitaux vétérinaires
Abbeville dans la Somme, tout comme Saint-Omer dans le Pas-de-Calais, accueillent durant le conflit plusieurs hôpitaux vétérinaires britanniques gérés par la Royal Army Veterinary Corps (RAVC), chargée de l'entrainement et des soins des animaux.
Par exemple, l'hôpital n°5 d'Abbeville compte 25 tentes pouvant accueillir 50 chevaux : sa capacité d'accueil est donc de 1 250 chevaux. On y trouve un bassin pour soigner les bêtes atteintes de maladie de peau, ainsi qu'une salle d'opération.
McLellan, David (Second Lieutenant), “[Cheval malade sortant du bain à l'hôpital vétérinaire n°5 d'Abbeville]". Q 8727. Imperial War Museum
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Le sacrifice des chevaux
The Blue Cross
Grand Christmas Fair. ART PST 10970. Imperial War Museum.
En complément, des hôpitaux vétérinaires se mettent en place grâce aux fonds de la « Croix Bleue » en France.
La « Blue Cross » ou « Croix Bleue » est une fondation créée en 1897 à Londres, chargée de la protection des animaux.
Elle permet, lors de la Première Guerre mondiale, de soigner plus de 50 000 chevaux.
Et les autres animaux ?
Et les autres animaux ?
Et les autres animaux ?
Depuis toujours, les animaux ont accompagné les hommes et les femmes en temps de guerre.
Au cours de la Première Guerre mondiale, plus de 16 millions d’animaux ont ainsi servi en tant que moyens de transport et de communication, ou encore comme protecteurs et compagnons.
Front de l'Aisne. Grenadier français et son chien sentinelle. CP00315. Archives municipales et bibliothèque patrimoniale d'Abbeville.
Et les autres animaux ?
Une aide au front
Agence Rol. Agence photographique. “Petit âne d'Afrique avec son chargement pour le ravitaillement en première ligne : [photographie de presse]”. BnF, département Estampes et photographie, EI-13 (575).
Les ânes, mulets, bœufs et chameaux sont utilisés au front pour le transport de la nourriture, de l'eau, des munitions et des fournitures médicales.
The British expeditionary force on the western front, 1914-1915. Q 50235. Imperial War Museum.
Et les autres animaux ?
Une aide au front
Care of R.A.F. pigeons. CH 2625. Imperial War museum.
Les chiens et les pigeons sont utilisés pour le transport des messages et les canaris pour détecter les gaz toxiques. Quant aux chats et aux chiens, ils sont entraînés à chasser les rats dans les tranchées.
Sur le front, la chasse aux rats : [photographie de presse] / [Agence Rol]. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-13 (493).
Et les autres animaux ?
Une aide au front
Enfin certains animaux comme les chameaux, sont utilisés comme montures par les régiments de cavalerie. Ici au Soudan lors de la Première Guerre mondiale.
Le Miroir : entièrement illustré par la photographie. [s.n.] (Paris). 1914-11-22. L'Argonnaute (La Contemporaine), 2013-54014. Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France.
Et les autres animaux ?
Un soutien moral
Les animaux sont aussi un véritable soutien moral pour les hommes et les "mascottes " sont nombreuses sur les champs de batailles.
Animaux domestiques ou animaux sauvages, parfois exotiques en provenance des colonies, ces "mascottes" font partie de la vie des soldats.
Chiens, chats, cochons, singes, ours voire lionceaux, sont parfois visibles jusque dans les tranchées.
[Togo, la mascotte du bateau de guerre britannique le Dreadnought]. Q 22887. Imperial War Museum.
Et les autres animaux ?
Un soutien moral
Animals in war 1914 - 1918. [Tirpitz the pig]. Q 47559. Imperial War Museum.
[Tiny, un petit âne trouvé mourant sur une route par la 26ème division]. Q 31579. Imperial War Museum.
Retrouve, sur le site de l'Imperial War Museum, trois dossiers documentaires en anglais sur la manière dont les animaux ont contribué à l’effort de guerre depuis la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours.
Les chevaux, comme tous les autres animaux qui ont participé à la Grande Guerre sont les grands oubliés de ce conflit. Fidèles compagnons des soldats, ils ont partagé avec eux leur quotidien et les horreurs. Ils ont joué un rôle stratégique fondamental et ont payé un lourd tribut eux aussi.
Certains, tout comme les soldats, ont été décorés et mis à l’honneur.
Relégués trop souvent au second plan de l’Histoire, parfois tombés dans l’oubli, ces animaux ont largement contribué, contraints et forcés, à l’effort de guerre et plusieurs monuments ont été érigés pour célébrer leur engagement, leur courage et leur sacrifice.
Pour cette exposition, les fonds concernant la région des établissements suivants ont été mis en avant :
Archives de la Communauté de Communes Nièvre et Somme (Picquigny, 80) ;
Archives municipales et bibliothèque patrimoniale d’Abbeville (80) ;
Bibliothèque de l'Agglomération du Pays de Saint-Omer (62);
Bibliothèques d'Amiens Métropole (80) ;
Bibliothèque municipale de Senlis (60) ;
Bibliothèque nationale de France (75);
Imperial War Museum (Londres, Angleterre).
Fantassins dansants. Ms 2549 (7) C page 049. Bibliothèques d'Amiens métropole.
Conclusion
Bibliographie
- Baratay (Éric), Bêtes des tranchées. Des vécus oubliés, collection " Le passé recomposé", CNRS édition, Paris, 2013, .
Chevaux de guerre
L'Armarium
Le projet
L’Armarium, la Bibliothèque numérique du Patrimoine écrit, graphique et littéraire des Hauts-de-France est un projet coopératif entre l’AR2L Hauts-de-France et les structures patrimoniales de la région (bibliothèques municipales, services d’archives municipales et départementales, musées, sociétés savantes, maisons d’écrivain …) qui vise à diffuser, auprès d’un large public, les trésors de notre patrimoine.
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